Donner du sens au partage œcuménique
Les relations entre Églises se concentrent souvent sur les célébrations religieuses. Pourtant, la relation œcuménique peut aussi être différente. Catherine Axelrad explique la démarche choisie par les Églises de Pantin.
« L’idée est née d’une réflexion menée avec l’animatrice du groupe œcuménique, Mme Sophie Michon, qu’il était possible de sortir du cadre liturgique d’une célébration. Certes, les Églises chrétiennes vivent là un moment particulier, souvent centré sur un thème annuel précis, voire selon une liturgie déjà déterminée (pendant la semaine de janvier comme aux JMP). On prie, on chante, on réfléchit, mais le plus souvent selon le cadre proposé par les organisateurs ; institué et reproduit d’année en année, ce fonctionnement peut s’avérer frustrant pour celles et ceux qui souhaitent construire eux- mêmes les célébrations », explique Catherine Axelrad, chargée de mission pastorale à l’EPU de Pantin.
La Bible nous rassemble
En effet, bien souvent, ce qui leur est ainsi proposé ne répond pas à la réalité de vie des paroissiens. Catherine Axelrad évoque ainsi la multiplicité des communautés et des parcours présents à Pantin, les recompositions familiales, la richesse de la diversité. Dans cette Église locale, où elle exerce depuis deux ans un ministère d’accompagnement, le désir de vivre l’œcumé- nisme autrement a engendré d’autres pratiques : l’idée a germé d’organiser un dîner autour de textes bibliques, car « pouvoir partager des lectures et des interprétations différentes du même texte est fondamental ». De même que pendant la première partie de la célébration au temple en janvier 2023, la parole est donc laissée aux participants, quel que soit leur statut ecclésial.
Se parler vraiment
Lors du dîner de mai dernier, le partage autour de l’ascension d’Élie (2 Rois 2.1-18) a ainsi permis de faire le lien avec l’Ascension et la Transfiguration de Jésus, mais surtout d’examiner le cheminement d’Élie et d’Élisée, qui montre combien il importe de parvenir à dépasser le non-dit. Pour Catherine, comme pour les deux prophètes qui cheminent ensemble, « on peut essayer de cacher à l’autre ses sentiments ou ses peurs, on peut le laisser aller vers son destin ou vouloir le protéger, mais devant l’imminence d’une séparation comme devant l’évidence d’un texte, les choses profondes se disent enfin ». Ce travail de réappropriation du texte biblique en groupe permet à des participants de toute confession chrétienne de constater leur proximité de compréhension. L’œcuménisme devient alors tangible et le dîner porteur de rencontres fortes. Le fait que les rôles ne sont pas fixés dans une liturgie libère la parole de chacune et de chacun.
L’œcuménisme n’est pas réservé aux Églises
Le groupe rassemble des catholiques de Pantin, des Lilas et du Pré-Saint- Gervais, des protestants (EPU Pantin et Armée du Salut des Lilas) ; il s’étend jusqu’à la communauté orthodoxe macédonienne voisine, aux frères de la communauté de Taizé présents sur la ville et à quelques membres de l’Acat. La vie et les questions de la cité peuvent alors enrichir les approches bibliques, car l’exercice pousse à élargir son horizon : une première lecture du texte donne l’occasion d’y réfléchir, puis chacun évoque le sens qui lui paraît important. Un second temps permet ensuite de partager une interprétation plus personnelle du récit biblique, complété ce soir-là en fin de séance par la projection murale de la fresque de l’église Saint-Joseph-des-Carmes qui explicite comment la vision permet la transmission. Là est souvent le dépassement des non-dits, des peurs, des idées reçues. Là est aussi la profondeur, la conscience et la joie de vivre ensemble un véritable partage. On est alors assez loin des célébrations classiques, mais pleinement conscients de s’être trouvés comme frères et sœurs.