Édito

Divin silence

24 avril 2024

« Le silence qui suit Mozart, c’est encore du Mozart », savourait Sacha Guitry. Mais pour moi, le silence entre les notes de Bach, c’est déjà du divin. Ce parti-pris baroque prête à sourire, il indique néanmoins combien subtiles sont la musique et la variété des points de rencontre avec Dieu.

Parler de ‘points de rencontre’ est essentiel. Cette expression permet d’évoquer en un seul trait l’accès à Dieu et l’accès de Dieu, comme le fit Jacob au pied de son échelle en regardant les anges descendre et monter entre deux mondes. Car si la musique favorise l’élévation humaine, ses silences sont autant de fenêtres ouvertes par lesquelles passe le dialogue de l’âme avec son créateur.

 

Une absence féconde

N’en déplaise au grand Guitry, le silence après une œuvre est comparable au retrait de Dieu de sa création. Après avoir été emporté par l’harmonie, porté par le rythme et inspiré par les silences, l’être humain se retrouve seul, seul devant le décalage que provoque l’absence. Et cela rappelle furieusement la découverte du tombeau vide par quelques femmes un jour de Pâques, ou l’espace béant entre l’Ascension et la Pentecôte, où l’être humain se trouve symboliquement seul.

 

L’Homme seul, mais pas abandonné

Quand la musique se retire après avoir ouvert un espace de lien avec le divin, une béance apparait en effet, un instant suspendu où tout devient possible : retrouver sa vie quotidienne, bâtir un projet chargé de nos aspirations, s’engager dans la voie ouverte par Dieu dans le silence. Le temps de l’humain avant la Pentecôte est ainsi à l’image de la musique. Soit il ne fait qu’exprimer les désirs de ce monde, soit il marque une volonté de trouver du sens à nos aspirations les plus hautes, soit il inaugure l’ouverture intérieure qui laissera filtrer une bénédiction agissante reçue d’ailleurs et qui ne nous appartient pas. A l’aube de l’été j’appelle cette troisième voie, ce temps spirituel ouvert par le divin silence. Tout est à inventer, tout est en train d’advenir. Avec et par Lui.

 

Sommaire de Paroles protestantes Paris n°486 (mai 2024)

 

Marc de Bonnechose

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