Grain de sable

Va ! Va-t’en ! Va pour toi !

01 avril 2019

(Genèse 11.27-12.9)
Les débuts de la Genèse nous racontent le bon projet de Dieu… détourné par des humains s’enfermant peu à peu dans leur orgueil. Dieu reprend alors l’initiative, les invitant à se remettre en route autrement. Comment ? Au moyen d’une simple parole, adressée à un certain Abram : Va !

© Nicolas Renaud

 

Une simple parole… Faut-il que Dieu ait confiance ! Mais ça marche et Abram s’en va, « comme le Seigneur le lui avait dit ». Par sa Parole, Dieu a ouvert un nouveau chemin. C’est vrai pour Abram et pour chacun de nous, quand nous nous enfermons dans nos impasses. « Va ! » « Va-t’en ! » « Va pour toi (ou vers toi) ! ». Autant de traductions qui nous invitent à faire un pas en avant, dans la confiance en Dieu.

Prendre des risques

Avancer est la condition pour que du neuf puisse surgir. Mais quand Dieu nous dit Va ! nous mettons-nous en marche ? Cette question ne regarde que nous-mêmes, mais si nous ne bougeons pas, comment le projet de Dieu avancera-t-il ?

Abram aurait pu se satisfaire de ce qu’il avait déjà, « toutes les richesses qu’ils possédaient et tous les êtres qu’ils avaient acquis à Harân » ! Il a pris assurément des risques. Avancer avec Dieu, c’est pour nous aussi prendre le risque de nous éloigner de nos richesses familières pour aller vers l’inconnu.

Mais Dieu n’est-il pas trop exigeant ? Relisons bien le texte. Dieu demande à Abram de partir « vers le pays qu’il lui fera voir », mais sans préciser lequel… Abram prend alors une direction avec sa troupe : ils « sortirent pour aller au pays de Canaan ». Il reprend ainsi la direction de son père Térah et des siens, qui « sortirent d’Our-des-Chaldéens pour aller au pays de Canaan ». Ce projet, Térah n’avait pu l’accomplir, s’étant arrêté à mi-chemin. Abram part donc bien sur l’ordre de Dieu, mais en l’interprétant à sa manière. Dieu le validera ensuite, en annonçant à Abram, une fois arrivé en Canaan, qu’il « donnera ce pays à sa descendance ».

On voit bien que si Dieu nous appelle, il nous rend aussi interprètes de ses appels et tient compte de ce que nous sommes, de nos héritages, nos projets, nos désirs. Dieu « écrit droit sur des lignes courbes », disait Luther. Oui, Dieu mène à bien son projet, tout en épousant les courbes de nos vies.

Pour être sauvé

Et ce n’est pas tout. Si Dieu fait prendre la route à Abram, c’est pour le sauver. De quoi ? De l’emprise de son père Térah, comme le révèlent des détails du texte. Térah, un père possessif, qui, en partant de la ville d’Our, « prit Abram, son fils, Lot, fils de son fils Harân, et Saraï, sa belle-fille, femme de son fils Abram ». Térah qui donne à son aîné le nom d’Abram, pouvant signifier celui qui élève au rang de père, c’est-à-dire celui qui lui permet d’avoir son titre de père ! Et on ajoutera que si Harân, frère d’Abram, meurt « devant la face » de son père, cela signifie probablement en révolte contre lui !

En partant, Abram est donc sauvé d’une famille troublée : il est le faire-valoir de son père et marié à une femme stérile, la fille de son frère Nahor a épousé un cousin, et son frère Hâran est mort révolté ! C’est bien au cœur des difficultés humaines que Dieu reprend l’initiative, faisant, à partir d’un seul, avancer son projet pour tous.

Car si une bénédiction est promise à Abram au bout du voyage (« je te bénirai »), elle l’est aussi pour tous les autres à travers cet ancêtre dans la foi (« toutes les familles de la terre seront bénies en toi »). Fallait-il néanmoins que Dieu ait confiance pour venir nous accompagner ainsi sur nos routes ! Faut-il qu’il ait confiance, encore aujourd’hui, pour poursuivre son projet à travers nous et tant d’autres, afin que toutes les familles de la terre se sachent bénies de sa bénédiction et vivent de sa simple parole : « Va ! » 

 

Étienne Berthomier

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