Luther face à la mort

Une espérance pour aujourd’hui

01 octobre 2017

L’affichage des 95 thèses, dont nous fêtons cette année le 500e anniversaire, est la réponse de Luther à une vision catholique de la mort. Nous n’avons rien à payer sur terre.

Face à la mort, Luther est un homme tiraillé entre la crainte et l'apaisement. Comme toute sa vie le fut ! Nous sommes à la fin du Moyen Âge qui pèse de tout son poids de peur et de culpabilité sur les consciences. La peur qui s'est incarnée dans les épidémies de peste, récurrentes après la grande peste du 14e siècle, a conduit à une crainte obsessionnelle de l'enfer. Luther, en homme de son temps, va connaître ces affres. Il va entrer au couvent pour tenter d'échapper à la colère divine.

 

Dieu éclaire la mort en la partageant sur la croix de Jésus-Christ
© Christiane Paul

La mort, une présence constante

Loin d'y trouver le repos, il va se briser sur une inquiétude bien plus profonde, propre à son être intérieur. Une angoisse qui fait de Dieu et l'accusateur et le sauveur. Un Dieu qui a les traits d'un diable : la mort est là. Au quotidien. À l'intérieur de lui-même et pas seulement comme issue finale à un séjour terrestre.

Rien ne lui est plus étranger que cette idée que la mort pût être un passage vers la vie : il a trop connu la mort in vivo sous le regard menaçant d'un dieu accusateur pour imaginer un face à face post-mortem radieux. La mort est omniprésente au cœur de sa vie. Pour morbide qu'elle soit, cette attitude va l'amener à prendre et la mort et la vie très au sérieux. L'une et l'autre signent la même tragédie d'une existence torturée par l'impossibilité d'aimer un Dieu trop parfait pour ne pas exiger un amour parfait... et donc impossible. On voit de suite le cercle vicieux mortifère. La mort est là, au cœur de la vie...

 

La grâce pour faire revivre

Fut-ce à un moment précis (on parle de « l'expérience de la tour »), ou le fruit d'un long et pénible cheminement ? Nul ne sait, sans doute les deux. Mais lui parvint cette révélation, cette assurance qui fit foi en lui : Dieu n'était pas le dieu obscur que l'on prétendait. Il n'envoyait pas la mort, il l'éclairait en la partageant sur la croix de Jésus-Christ ! Il l'éclairait de la paix conférée par cette affirmation : c'est Dieu qui justifie l'être humain. Qui lui donne cette capacité à pouvoir paraître devant Lui sans avoir rien à redouter, mais au contraire en pouvant se déployer sans rien devoir cacher de ses faiblesses et trahisons, parce que fondamentalement, définitivement, aimé de Lui. C'est le cœur de la pensée réformatrice de Luther. Par moments, cette pensée s'exprime, fulgurante, brillante comme la grâce. À d'autres endroits, elle demeure comme enrayée, submergée par des relents de la crainte du passé. Une âme aussi tourmentée ne peut connaître la béatitude définitive. Le diable - c'est-à-dire le dieu accusateur - est toujours à l'œuvre, pour faire mourir. La grâce toujours à l'œuvre pour faire revivre. Et le croyant, entre les deux, jouet de ses pulsions de mort mais toujours appelé à la vie à nouveau. Le chemin entre les deux, c'est ce que Luther appelle la pénitence, la conversion : oser se tourner vers la vie.

 

La fin des rites funèbres

Toute l'éthique va reposer sur cette révélation salvatrice. Rien n'est nécessaire pour gagner ou augmenter la grâce de Dieu. Rituels et prières pour les morts sont donc non seulement inutiles mais néfastes, puisqu'ils doutent de la grâce !

De la même façon, la question éthique de la fin de la vie ne repose pas sur une sacralisation de la vie biologique, mais sur l'abandon de la foi : se savoir et s'accepter assez aimé pour se risquer à une décision qui fasse place à une vie qui ne soit pas un enfer.

 

Didier FIEVET
pasteur et directeur de TO7 à Toulouse

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