Tout est permis !
Parmi les lectures proposées en ce mois de mai 2024, il en est une que je trouve particulièrement printanière, libératrice et source de renouvellement. Il s’agit du verset 12, du chapitre 6 de la première lettre de Paul aux Corinthiens.
« Tout m'est permis, mais tout n’est pas utile ; tout m’est permis, mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit » ; mis en parallèle avec un autre passage que l’on découvre, émerveillés, après avoir tourné quelques pages à peine, au dixième chapitre, les versets 15, 23 et 24 : « Mes bien-aimés, je parle comme à des hommes intelligents ; jugez vous-mêmes de ce que je dis. Tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Que personne ne cherche son propre intérêt, mais que chacun cherche celui d'autrui. »
Être libre…
Que nous sommes loin ici des approches infantilisantes et démobilisatrices de bien des lectures chrétiennes des Écritures. L’apôtre Paul précise qu’il écrit à ses bien-aimés, certes, mais qu’il s’adresse à eux comme étant des hommes et des femmes intelligents, capables de réfléchir, d’apprécier le contexte culturel dans lequel certaines injonctions peuvent être faites et aussi de se rendre compte, le cas échéant, de ce que l’une ou l’autre de nos attitudes peut entraîner comme questionnement chez des personnes plus faibles dans leur foi.
Tout m’est permis, parce que le Dieu des prophètes, de Jésus le Christ et de Paul veut que je sois un humain debout, créé à son image, un homme ou une femme libre. Mais il y a un « mais »… Dieu me veut réellement libre, c’est-à-dire dégagé de tout nouvel asservissement, et à la fois il m’enjoint, par les écrits pauliniens, à être soucieux de mon prochain.
Ma liberté ne peut se construire qu’à l’aune des trois éléments majeurs qui se dégagent de la réunion des deux textes cités : utilité, édification, non-asservissement… Avec pertinence, l’apôtre rappelle l’importance de tenir compte d’autrui dans mes choix comportementaux.
… et le rester
Dieu m’a créé libre et il m’appelle à le rester ! Cela me fait penser aux tables, dites « de la Loi », offertes à Moïse et au peuple hébreu pour qu’il ne retombe pas en esclavage. Ces dix paroles, terme que je préfère à dix commandements, se présentent en réalité sous la forme de recommandations fortes et insistantes du Dieu libérateur permettant aux hommes de construire une relation à Dieu et à autrui, en les laissant, à leur tour, libres de leurs actes.
On ne peut réellement saisir le sens profond des dix paroles, ou Décalogue, qu’en se remémorant le contexte dans lequel eut lieu l’Exode, l’événement libérateur majeur qui qualifie la qualité première de Dieu au sein des textes de la Première Alliance, ou Bible hébraïque : le fait que Dieu est le libérateur.
Certes, certains feront remarquer, à juste titre, que ces dix paroles sont présentées sous la forme de préceptes négatifs, mais elles ne sont là que pour baliser les conditions d’une vie libérée de l’esclavage.
Alors oui, je défendrai la belle devise de notre République : « Liberté, égalité, fraternité » ; elle reflète fidèlement le message de Dieu à Moïse, la reprise du « Chema » Israël par Jésus et ce beau résumé, riche de sens, de Paul dans sa lettre aux Corinthiens : « Tout est permis mais tout n’est pas utile, tout est permis mais tout n’édifie pas, tout est permis mais je ne me laisserai asservir par rien. Que personne ne cherche uniquement son propre intérêt, mais que chacun cherche aussi celui d'autrui. »