Pour ses 150 ans, l’Étoile se projette vers l’avenir
Ce samedi 28 septembre au soir, le pasteur Louis Pernot prend le micro devant 280 personnes attablées dans le temple pour le point d’orgue du 150? anniversaire de l’Étoile. Sous le regard du président de la Fédération protestante de France, Christian Krieger, et du président du conseil régional, le pasteur Samuel Amédro, les lumières se tamisent et le joyeux brouhaha des conversations fait place à un silence religieux. « Il y a 150 ans, le pasteur Eugène Bersier a voulu créer une église ici dans un endroit où il n’y avait pas de temple, rappelle le pasteur. Aujourd’hui, nous nous posons toujours cette question : comment répondre à une demande qui surgit et sur laquelle il faut se positionner ? Je préfère que les gens aillent chez nous plutôt que dans des sectes bizarroïdes. »
L’avant-veille, les festivités s’étaient ouvertes par une conférence interreligieuse en présence du Grand rabbin de France, Haïm Korsia, du président de la Fondation de l’islam de France, Ghaleb Bencheikh, du jésuite François Euvé et du professeur à l’Institut protestant de théologie Frédéric Chavel, invités à réfléchir devant 200 à 300 personnes à l’avenir des religions, toutes travaillées par de profonds changements. « Il faut cultiver l’unité entre les cultes, avec celles et ceux qui ne croient pas mais qui espèrent en l’homme, exhorte le Grand rabbin. L’humanisme aujourd’hui est un vecteur essentiel d’une nouvelle religion qui consiste à servir les autres ». « Il faut une refondation de la pensée théologique, a défendu Ghaleb Bencheikh. Celle-ci doit prendre en charge quatre chantiers : la liberté de conscience, l’égalité homme-femme, la désacralisation de la violence et l’indépendance du champ du savoir par rapport au religieux. »
Le prêtre jésuite François Euvé souligne les débats en cours dans l’Église catholique, qui tient en octobre la deuxième session d’un synode mondial abordant la question centrale de l’exercice de l’autorité du prêtre et le rôle des laïcs. « La mission essentielle des protestants luthériens et réformés n’est plus d’avoir le plus grand nombre d’adeptes, analyse enfin le professeur Frédéric Chavel. Nous n’avons pas besoin des religions pour faire communauté, mais quand les religions se saisissent des enjeux communautaires, elles leur donnent des dimensions qui manqueraient sinon. »
Être à l’écoute, s’engager dans la société, pratiquer l’autocritique : les propositions ne manquent pas. Mais les pasteurs de l’Étoile ont tenu à contribuer au débat. « Eugène Bersier n’avait rien de très libéral dans sa théologie, s’amuse à rappeler Nathalie Chaumet, donc c’est un bon exemple de notre relation au passé : nous avons gardé son architecture liturgique, mais nous sommes aujourd’hui plutôt dans l’audace et la liberté d’une parole. »
« Nous avons besoin d’être enracinés, avec une forme classique, en chaire et en robe, avec l’orgue, mais nous assumons une prédication contemporaine, compatible avec l’esprit scientifique moderne », abonde Louis Pernot. Le tournant numérique pris par l’Étoile depuis 2005 a aussi contribué à la vitalité de la paroisse. « Sans Internet, l’Étoile aurait déjà fermé ses portes, estime-t-il, alors que la communauté a traversé une période difficile pour ses finances dans les années 1980. Aujourd’hui, les trois quarts des nouveaux cotisants qui nous rejoignent nous ont découverts grâce aux cultes diffusés sur YouTube ou notre site Internet. » Bien qu’elle ait aujourd’hui la plus grande audience de l’EPUdF sur YouTube, l’Étoile garde comme premier objectif de consolider sa communauté par des rencontres réelles. De quoi l’avenir sera-t-il fait ? Difficile à dire, alors le pasteur se raccroche à cette conviction : « Tant que nous conserverons notre âme, avec un mode de vie porté par l’Évangile, nous vivrons. »
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Quel avenir pour les religions au XXIe siècle ? | Conférence interreligieuse des 150 ans de l'Étoile