Cap au large

Mirë se vini në Shqipëri ou bienvenue en Albanie

01 décembre 2017

Le groupe ET SI est parti au printemps dernier à la découverte de l’Albanie. Récit d’une des participants.

Et si l’on partait à la découverte d’un pays singulier, discret et secret avant 1991 ? Et si on allait dans le dernier pays, sorte de conservatoire du communisme-léninisme qui avait rompu ses liens avec l’URSS et la Chine pour rester seul en face de tous les autres pays ?

Le groupe sur le site d'Apollonia au nord de Viora
© Bernard Trocmé


Alors, pourquoi pas l’Albanie, petit pays guère plus grand que le Poitou-Charentes, aux confins de la Grèce, la Macédoine, le Kosovo et le Monténégro, bordé par les mers Adriatique et Ionienne, aux paysages variés de lacs et de massifs montagneux enneigés.

Une histoire douloureuse

Oui l’Albanie, c’est l’Europe mais c’est déjà l’Orient. Pays athée, chacune des quatre religions reconnues (islam, orthodoxe, catholique et protestante) se respectent. L’Albanie est hospitalière et généreuse. Ce petit pays au centre des Balkans a une histoire lointaine faite d’invasions, tantôt sous l’emprise des Grecs et des Corinthiens puis des Romains, des Normands et des Angevins, des Vénitiens, des Bulgares, des Ottomans. La reconnaissance de l’État albanais sera définitive en 1925, dans ses frontières actuelles. Le pays a connu une histoire douloureuse et ses frontières n’ont cessé d’être modifiées, ce qui pose aujourd’hui des problèmes de reconnaissance et d’appartenance identitaire. Le contexte politique et économique s’en ressent. Le réseau de distribution d’eau est obsolète et manque d’entretien ;aussi celui-ci ne fonctionne que quelques heures par jour. Pour éviter les désagréments des coupures d’eau dans la journée, les habitants s’équipent d’une bonbonne, souvent peinte en bleu, et placée sur le toit des habitations individuelles ou collectives. D’après notre guide, des bâtiments ont été construits illégalement, sans demande de permis et/ou sur des terrains n’appartenant pas au constructeur ; alors, sans obtenir leur destruction, l’État en a interdit la mise hors d’eau et ces bâtiments restent en l’état dans les villes du bord de mer, notamment.sans demande de permis et/ou sur des terrains n’appartenant pas au constructeur ; alors, sans obtenir leur destruction, l’État en a interdit la mise hors d’eau et ces bâtiments restent en l’état dans les villes du bord de mer, notamment.sans demande de permis et/ou sur des terrains n’appartenant pas au constructeur ; alors, sans obtenir leur destruction, l’État en a interdit la mise hors d’eau et ces bâtiments restent en l’état dans les villes du bord de mer, notamment.
Nous avons commencé notre découverte par la ville de Krujë, ancienne capitale à une encablure de Tirana. La ville est dominée par sa citadelle et son musée ethnographique atteints par le bazar et son pavé en pierres calcaires.

Repas traditionnel préparé par une famille sur la route de Berat © Bernard Trocmé
   Après une visite à Shkodra à la frontière du Monténégro, surplombée par la citadelle (encore une !), avec le musée photographique, la mosquée et l’église orthodoxe ainsi que la tour de l’horloge, nous retournons à Tirana, pour y découvrir ses bâtiments de style stalinien, ses larges avenues, ses parcs, son musée, le mausolée en plein centre ville, ainsi que le mausolée délabré construit pour Enver Hoxha – et qui abrite aujourd’hui une discothèque ! – et le temple des Bektashis construit grâce à l’argent de la diaspora.

Nous nous rendons ensuite à Berat dans le centre de l’Albanie. Surnommée la ville « aux mille fenêtres », Berat témoigne d’une cité fortifiée mais ouverte et peuplée, encore, d’artisans et de marchands. Son centre urbain montre une tradition d’habitat vernaculaire des Balkans, dont les témoignages remontent principalement à la fin du XVIIIe et au XIXe siècles. À noter la mosquée des célibataires !

Des routes chaotiques

Puis, notre route nous conduit vers le site extraordinaire d’Apollonia, situé à 12 km de Fier, site archéologique fouillé par des équipes franco-albanaises. L’église orthodoxe renferme de belles icônes et un iconostase, et grâce à Bernard Croissant, notre pasteur, nous avons décodé la signification des enluminures, des postures et des couleurs.
Enfin, nous découvrons la mer, de Vlora jusqu’à Sarande, sous la pluie mais ce fut heureusement le seul jour. Nous avons quand même pu apercevoir l’entrée de la base sous-marine du temps de la dictature. Un vrai James Bond !
Un autre site merveilleux et classé au patrimoine de l’Unesco : Butrint d’où l’on distingue les différentes strates de construction : latine, grecque et ottomane.

  
Visite du site romain de Butrint près de Saranda © Bernard Trocmé

La route vers Gjirokaster nous laisse présager des difficultés à venir : l’état médiocre du réseau routier en montagne, par endroit, alternant sans préavis entre bitume et pistes caillouteuses, nous fait rouler à 10 km/h ! Gjirokaster a été construite par de grands propriétaires terriens. Autour de l’ancienne citadelle du XIIIe siècle, la ville affiche ses maisons à tourelles (le kule turc) caractéristiques de la région. Gjirokaster offre plusieurs exemples remarquables de ce type de maison qui se cristallisa au XVIIe siècle, mais aussi des exemples plus élaborés datant du début du XIXe siècle.
Pour atteindre Korcé, la route étroite et sinueuse nous a donné quelques frayeurs mais notre chauffeur, lui, n’a jamais perdu son sang-froid. Il faut partager les routes de montagnes avec les troupeaux, bœufs, vaches, chèvres et moutons qui circulent ! Presque tous les Albanais roulent en Mercedes ! Du plus petit village jusqu’aux plus belles villas de Tirana, la marque allemande fait un carton, tant elle est robuste sur les routes cabossées. Arrivés à destination, nous avons visité le musée des icônes : on compte par milliers les icônes et les scènes de peintures murales qui décoraient les monuments, notamment les icônes réalisées par Onuphre.

Saint-Jean de Cuneo sur les bords du Lac d’Ohrid © Bernard Trocmé
 

De belles rencontres

Enfin, pour nous rendre au lac d’Ohrid nous passons sans souci la douane à la frontière avec la Macédoine ; où nous visitons la forteresse d’Ohrid et la petite église orthodoxe en bordure du lac, un vrai bijou.

Le pays est jonché de mini-bunkers, vestiges de la dictature. On en voit tout au long des routes, sur les plages, dans les villes même. Enver Hoxha, malade, s’était mis en tête que le monde entier cherchait à envahir l’Albanie pour le déloger et il recouvrit l’Albanie de quelques… 700 000 bunkers ! Chanter le « boléro » de Ravel dans la rue pendant la dictature pouvait emmener en prison pour quatre ans.
Nous avons terminé notre voyage à Skopjé avec ses monuments gigantesques comme la statue de 37 mètres de haut de Philippe de Macédoine et celles de Cyrille et Méthode à l’initiative de l’écriture cyrillique et de l’alphabet glagolitique et la maison de mère Térésa d’origine albanaise.
Notre séjour a été ponctué par de belles rencontres. L’ambassadeur, ministre et écrivain Besnik Mustafaj, homme de paix et de dialogue nous a parlé de son pays avec gravité et beaucoup d’humour : ses livres sont publiés en France par Acte Sud ; le pope de l’église de Apollonia bienveillant nous a instruits sur la tolérance religieuse de son pays ; et enfin le pasteur de Korcé nous a conté sa vocation et son action sociale.
Et tout au long de ce fabuleux voyage découverte, notre guide nous a demandé de ne pas nous casser le « féminus » en marchant sur les pavés calcaires glissants ; bien sûr il voulait dire le fémur. Nous avons suivi son conseil… 

Michèle Muairon

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