Année Luther… (6)

Luther et la mort

01 février 2017

La Réforme engagée par Luther se situe dans un contexte où la question de la mort est à la fois centrale et angoissée. La grâce de Dieu, découverte par Luther, nous délivre de cette peur.

La querelle des indulgences, même si elle ne s’y résume pas, interrogeait le rapport au jugement de Dieu censé se situer à la fin des temps, donc après la mort. L’angoisse de l’enfer et de la damnation était donc, on le sait, omniprésente. Souvenons-nous des danses macabres de l’époque ! Or, si la Réforme est justement une formidable libération vis-à-vis de cette angoisse, c’est aussi parce que le rapport à la mort se trouve changé par la prédication évangélique. Au fond, rapport à la mort et rapport à la vie sont liés. Voyons avec le Sermon sur la préparation à la mort comment Luther traduit ce changement de rapport à la mort et donc à la vie.

Régler ses affaires terrestres

D’emblée, Luther signale qu’avant de mourir il est nécessaire de régler nos affaires matérielles de façon à ne pas laisser des problèmes ou des conflits à ceux qui restent (on mesure le souci concret de ne pas rendre la vie plus difficile qu’elle ne l’est). Idem des affaires relationnelles et affectives à régler en soldant nos différends avec les autres, en pardonnant et en demandant pardon pour, là encore, laisser le moins possible de choses en souffrance derrière nous. Luther invite ensuite à considérer tout ce que notre vie a pu contenir de mauvais, de façon à saisir la grâce qui nous est faite en Christ qui prend à son compte ce mauvais, et l’échange avec son bien : « Le Christ prend sur lui ta mort et l’étrangle, afin qu’elle ne puisse plus te faire de mal. Si tu crois qu’il fait cela et que tu regardes ta mort à travers lui et non en toi, il se charge alors aussi de tes péchés et en triomphe dans sa justice et par pure grâce ; si tu crois cela, ils ne pourront plus te faire aucun tort ». 

Une danse macabre
©domaine public

La foi comme certitude

Le sacrement peut éventuellement matérialiser la grâce de cet échange, mais seule la foi est décisive et donc requise. Une foi non comme certitude du croyant (toujours chancelante), mais une foi certitude de la grâce de Dieu en Christ.Car pour Luther, il y a trois maux qui nous assaillent et peuvent rendre le moment de mourir dangereux pour la foi : l’image du péché, celle de la mort et celle de l’enfer. Choses dont on peut retraduire ainsi les effets en langage plus contemporain : la culpabilité, l’angoisse et le désespoir. De façon très fine, Luther pointe que l’angoisse de la mort risque, en faisant fuir sa réalité, de tromper la vie en la transformant en fuite. Pour lui, l’image de la mort est donc utile et nécessaire durant la vie pour éviter cette fuite et ce rapport faussé, en revanche devant l’imminence du trépas cette image est dangereuse et inutile. Si l’individu fait l’inverse, c’est à dire fuit la mort et fuit de la même façon son rapport à Dieu durant son existence, et qu’à l’imminence de sa mort il se trouve subitement conduit à se retrouver devant Dieu et l’image de la mort, alors il risque de sombrer dans le désespoir et l’angoisse en étant incapable de saisir la vie offerte par la grâce. L’image de la mort et ses dangers ne se traversent que par le combat de la foi, dans la grâce de Dieu manifestée en Christ.

Thibaut DELARUELLE
pasteur à Nice Saint-Esprit

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