Lectures en tension (10)

« Le juste vivra par la foi » (Romains 1.16-17)

01 juin 2017

« Parce qu’en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu’il est écrit : le juste vivra par la foi » (traduction Bible Segond)

L’Épître aux Romains est la lettre apostolique la plus commentée depuis les Pères de l’Église (Origène, saint Jean Chrysostome, saint Augustin) jusqu’à aujourd’hui. C’est en la travaillant que Luther a reçu la réponse à ses questions sur le salut et a découvert la notion du salut gratuit et de la justification, c’est-à-dire du pardon, par la foi seule.

Une justice qui relève de la foi

Le mot de foi relie d’ailleurs l’Ancien Testament — chez le prophète Habacuc 2.4 : « Mais le juste vivra par la foi » — à l’Épître aux Romains qui reprend exactement les mêmes termes.

Luther dans son Cours sur l’Épître aux Romains choisit la traduction littérale « de la foi à la foi », qu’il considère comme une formule d’insistance, au lieu de « par la foi et pour la foi », comme celle de 2 Corinthiens 3.18 : « de clarté en clarté ». Pour lui « la justice de Dieu relève de la foi en sa totalité, et cela à telle enseigne qu’en sa progression elle ne débouche pas sur la vue, mais sur une foi toujours plus éclairée » (Luther, Œuvres, La Pléiade, p. 10). Le juste doit sans cesse progresser dans sa foi.

Adolphe Monodo, auteur d'une Explication de l'Épître aux Romains
©Wikicommons

Fidélité de Dieu et foi de l’homme

Pour Adolphe Monod, dans son Explication de l’Épître aux Romains, la justification est l’acte de Dieu par lequel il pardonne les péchés, et ce gratuitement, par grâce comme cela est écrit dans Éphésiens 2.8 « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. »

Le mot grec traduit par foi est aussi compris par Karl Barth dans son livre L’Épître aux Romains, comme fidélité, selon la traduction suivante : « Car la justice de Dieu s’y révèle : de la fidélité à la foi, ainsi qu’il est écrit : le juste vivra de ma fidélité » même si un seul mot grec est utilisé. Barth met en tension la fidélité de Dieu vis-à-vis de sa créature, en gardant cependant ses distances entre Lui et elle (tout en la mettant en jugement) et la foi de l’homme. Il conclut l’exégèse de ces deux versets par cette phrase : « Là où la fidélité de Dieu rencontre la foi de l’homme, là se dévoile sa justice. Là, le juste vivra. »

Entre justice de Dieu et miséricorde

Il est intéressant de noter que le Pape François dans la bulle Misericordiæ Vultus, à l’occasion du jubilé extraordinaire de la miséricorde en 2015, développe le rapport entre justice et miséricorde en citant un texte voisin du nôtre : Galates 2.16 : « L’homme est justifié par la foi en Jésus-Christ ».

Toutes ces interprétations nous montrent que ces deux versets qui constituent un texte fort des écritures peuvent donner lieu à des traductions différentes, à des exégèses différentes, le dénominateur commun étant que c’est par la foi seule que l’on croit à la Parole de Dieu et que l’on peut devenir juste aux yeux de Dieu.

Étienne TISSOT
président de l’Église protestante unie de Lyon

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