Billet d'humeur (le texte est publié sous la responsabilité de son auteur)

La voiture en ligne de mire

01 juin 2018

À compter du 1er juillet, la vitesse sur le réseau secondaire sera abaissée à 80 km/h, une mesure gouvernementale qui est loin de remporter l’unanimité. À commencer par la Fédération française des motards en colère qui, depuis l’annonce de la mesure, défile dans les rues à grands coups de klaxon.

La raison est certes louable : diminuer le nombre de morts sur les routes. Mais cette mesure entraînera-t-elle vraiment une baisse des accidents ? Parce que, pour qu’il n’y en ait plus, il serait certainement plus judicieux d’éradiquer les conducteurs peu scrupuleux du code de la route qui n’hésitent pas à dépasser l’automobiliste qui respecte, lui, la limitation de vitesse.

 

Une conduite plus dangereuse

Les chauffards existent et existeront toujours, quelle que soit la vitesse autorisée.

   
Manifestation des motards en colère à Bourges
le 14 avril © Élisabeth Renaud

Et on peut même gager que leur nombre est inversement proportionnel à la valeur de la limitation. Un conducteur averti et responsable adapte sa vitesse à la dangerosité de la route. Sur une départementale étroite, 80 km/h sera parfois même trop rapide.Depuis la multiplication des radars et, depuis le 21 avril en Normandie, des radars embarqués gérés par des sociétés privées, l’automobiliste
doit avoir les yeux rivés sur son compteur s’il ne veut pas être verbalisé. Faire un trajet sur une route nationale avec la traversée de villages à 50 km/h, de zones de travaux ou de carrefours en rase campagne à 70 km/h, relève de l’acrobatie et du jonglage entre limiteur et régulateur de vitesse, les yeux rivés sur son compteur ou sur son GPS pour vérifier quelle est la vitesse autorisée à l’instant présent. Tout cela au détriment de la vigilance envers des dangers qui peuvent survenir de toutes parts. Oui, conduire de nos jours est devenu anxiogène et cet abaissement de la vitesse ne peut qu’augmenter une baisse de la vigilance du conducteur au détriment du piéton ou du cycliste qui surgira d’on ne sait où.

Une expérimentation non concluante

Une expérimentation, qui s’est déroulée de juillet 2015 à septembre 2017 sur la RN7 dans la Drôme, la RN57 dans la Haute-Saône et la RN151 dans l’Yonne et la Nièvre, a révélé que la baisse de la limitation de vitesse à 80 km/h n’a pas réduit la mortalité routière sur ces axes. Ces conclusions ont été données par l’association 40 millions d’automobilistes qui s’est basée sur les données des accidents corporels de la circulation du ministère de l’Intérieur, qui recensent avec précision les accidents de la route en France. L’association a relevé chaque accident sur les trois tronçons expérimentés, d’une longueur totale de 86 km. Le gouvernement, quant à lui, n’a jamais donné de bilan de l’expérimentation en terme d’accidentologie. Seul le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) a publié une étude, mais elle ne porte que sur la vitesse moyenne.

Des effets sur l’environnement minimes

En application de l’article L. 123.19.1 du code de l’environnement, le projet de décret relatif à la baisse de la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h sur les axes bidirectionnels à chaussée unique sans séparateur central a été soumis à une consultation publique afin de recueillir les observations et propositions du public s’agissant de l’incidence environnementale de la mesure. Cette consultation s’est déroulée du 21 mars au 11 avril. Or, le ministère de la transition écologique et solidaire lui-même dans un rapport intitulé Réduction des vitesses sur les routes – Analyse, coûts, bénéfices montre que diminuer de 10 km/h la vitesse a un impact quasi nul puisqu’il ne diminue seulement que de 0,12 % la consommation de carburant.
Alors ? Quelle solution pour ne pas avoir l’impression de reculer ou de foncer droit dans une embuscade ? Les transports en commun ? Mais pas sûr que la réduction du nombre de trains couplée à l’augmentation du coût des billets aille dans le bon sens.

Isabelle Clessac

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