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La tour de Babel

21 janvier 2017

Le meilleur exemple que je connaisse d’un comportement insensé (« insanity ») c’est de continuer à faire indéfiniment ce qui ne marche pas, en croyant que cela va finir par marcher (John Spong, évêque de l’Église épiscopalienne américaine).

L’idée d’une démarche commune de prière a été lancée en 1908 aux États-Unis par un prêtre épiscopalien, Paul Wattson, fondateur d’une communauté franciscaine au sein de l’Église américaine. Paul Wattson envisageait l’unité des chrétiens autour du Siège romain. L’« octave », comme s’appelait à l’époque cette manifestation, se déroulait entre la fête de Saint-Pierre le 18 janvier et la fête de la conversion de Saint-Paul le 25 janvier.

En 1933, à Lyon, l’abbé Paul Couturier reprend l’idée et fait le choix de nommer cette période « Semaine de prière », pour utiliser un terme peut-être « moins catholique », tout en gardant les mêmes dates.

Est-ce que « ça marche » ?

Depuis tout ce temps, on peut s’interroger sur l’efficacité de ces prières, pourtant formulées d’évidence avec toute la sincérité et la foi possibles, à toutes les époques.

Les chrétiens, comme les fidèles d’autres religions, ont toujours connu des querelles de doctrines, des luttes de pouvoir : qu’on se rappelle tout de même que Paul, déjà, à Damas, avait dû faire le mur en se cachant dans un panier, pour ne pas se faire malmener à cause de ses prises de position ! En tous les cas, c’est ce que nous raconte le livre des Actes.

Les chrétiens se sont toujours disputé. Ils ont également toujours prié pour leur unité. Alors la question suivante est : est-ce bien utile ? Est-ce efficace ? On peut en douter car il n’est pas sûr, finalement, que la récitation commune du credo de Nicée-Constantinople puisse mettre fin, ou même atténuer tant de diversité, de « divisions » comme le déplorent certains.

Est-ce nécessaire ?

Et d’ailleurs, pourquoi voudrait-on l’unité des chrétiens ? Ou plutôt « dans quel but ? ». Après tout, dans le monde contemporain, qui imaginerait qu’il serait souhaitable de vivre dans un pays ayant un parti, une politique et une doctrine uniques ? De tels pays existent, on appelle cela des dictatures. Alors, que décider ?

En bons protestants, nous sommes allés voir ce que nous dit la Bible à propos d’unité.

Dans l’Ancien Testament, on trouve certes un Dieu unique, mais qui, très rapidement, crée la diversité, la multiplicité et voit d’un bon œil la constitution d’Israël en douze tribus ; il suffit de lire le livre des Nombres pour prendre conscience de cette mosaïque. Surtout, rappelons-nous le récit de la Tour de Babel, dans lequel Dieu met fin, de façon catégorique, au désir des hommes d’avoir un langage et donc une pensée uniques. Quant au Nouveau Testament, on voit bien Jésus affirmer qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du Père.

Pourquoi alors continuer à nous associer à un rituel de prières qui, à l’évidence depuis plus d’un siècle, ne sert pas à grand-chose d’autre que commémorer ? Et pourquoi risquer de diluer les valeurs protestantes dans un « ensemble » improbable, dominé d’ailleurs en France par l’Église romaine pour une simple raison arithmétique ? Il est certainement plus pertinent de nous retrouver dans des actions communes, concrètes, en faveur de nos frères humains en souffrance, et d’ailleurs c’est déjà ce qui se passe, non seulement entre chrétiens mais tout simplement entre personnes de bonne volonté, chrétiennes ou pas, croyantes ou pas.

 
Gilles Carbonell et Anne-Marie Mathieu

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