Juste, justice, justification

01 mai 2020

L’auteur nous présente l’épître de Paul aux Romains. Une somme théologique qui n’en finit pas de faire débat, et dont les enjeux sont encore souvent largement incompris.

Avec l’Épître aux Romains, Paul lance une bombe théologique dont les répercussions résonnent encore si fortement, qu’il faudra attendre 1999, pour qu’une déclaration commune sur la doctrine de la justification soit signée, sous la forme diplomatique d’un « consensus différencié », entre l’Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale, après des siècles de violentes controverses.

C’est le Salut qui est en jeu, et donc la justification de l’homme, le fait qu’il soit ou non considéré comme juste par Dieu. Paul assied sa pensée sur le prophète Habaquq (2.4) pour qui « le juste par la foi vivra ». Une doctrine combattue déjà à son époque dans l’épître de Jacques qui affirme : « C’est par les œuvres que l’homme est justifié et non par la foi seulement ». Quinze siècles plus tard, le concile de Trente figera le débat sur la question de la foi et des œuvres par décret du 15 janvier 1547, alors même que le moine Luther cherchant les conditions du salut, a décalé la controverse en se basant sur le verset 3.28 de l’Épître aux Romains : « l’homme est justifié par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi ».

Le mot « indépendamment » est ici fondamental, car il montre combien le débat n’est en réalité pas d’opposer la foi aux œuvres, mais le régime de la foi au régime de la loi, la vie sous la foi à la vie sous la loi. Luther rend ainsi hommage à la plus longue épître de Paul, véritable traité théologique approfondissant certains sujets abordés dans des missives envoyées antérieurement à d’autres communautés (Galates, Corinthiens).

Les protestants sont encore souvent confrontés à cette épître, dans leurs discussions avec la société comme au sein même de leurs Églises, car nombreux sont ceux qui considèrent que le salut par la seule foi engendre la possibilité de faire n’importe quoi. La notion de libre arbitre et une forme de déterminisme du Salut sont également pointées du doigt.

Il s’agit là de réactions de nos sociétés fondées sur la liberté de l’individu. Mais de cela, il n’est pas question dans l’épître, qui précise juste que la justification est le fait d’être considéré et rendu juste aux yeux de Dieu, alors même que l’homme reste ce qu’il est : pécheur.

En cette période de confinement, relire l’Épître aux Romains peut être une bonne manière de recentrer notre regard sur ce qui fonde notre rapport à Dieu… et aux hommes.

Guillaume Bretose

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