À la rencontre de

Jean-Claude Guillebaud

01 mai 2018

Jean-Claude Guillebaud est écrivain, journaliste et conférencier. Il y a dix ans, il faisait un coming out d’un contenu inhabituel puisqu’il annonçait : Comment je suis redevenu chrétien. En 2017, il publie La foi qui reste*. Est-ce à dire qu’il en a perdu quelque chose en cours de route ou, au contraire, que ce qui reste, c’est ce qui est le plus précieux ? Pour lui, il faudrait plutôt penser à la cantate de Bach : Jésus, que ma joie demeure.

Le christianisme est en perte de notoriété chez nous : n’est-ce pas dû à une certaine médiocrité chrétienne, voire à un certain manque de courage ?

Bernanos s’en inquiétait, et s’en accusait. S’afficher chrétien, c’est en réalité d’une grande outrecuidance, car c’est un chemin et non un diplôme. Pendant la campagne présidentielle, quand un candidat s’est prévalu de son titre de chrétien pour dire qu’il ne ferait pas un programme économique trop brutal, j’étais scandalisé : il ne faut pas s’en servir pour des ambitions politiques. Mais il y a évidemment bien pire : la pédophilie dans l’Église, c’est un crime inacceptable surtout de la part de gens qui sont porteurs du Christ ! La foi chrétienne ne s’arbore pas comme un permis de conduire ; elle engage.

 

© Philippe Malidor

On dit que la foi est une affaire privée. Doit-elle l’être complètement ?

La laïcité n’a pas pour vocation de congédier la foi religieuse mais de lui permettre de cohabiter sous la protection de la République, qui ne s’y implique pas. Les protestants sont bien placés pour savoir ce que c’est que d’avoir dû pratiquer sa foi de manière strictement privée après la Révocation de l’Édit de Nantes. Récemment, ont été publiés les Conférences et Discours de Camus : en 1946, c’est lui qui exhortait les chrétiens à ne pas se contenter de sourires comme à Saint-Sulpice, mais à crier ! Alors aujourd’hui, faut-il vivre sa religion dans sa cuisine, comme en URSS ?

La foi chrétienne est-elle ringarde ? Est-elle un combat d’arrière-garde, ou au contraire, y a-t-il quelque chose qu’elle serait seule à pouvoir apporter à l’homme moderne ?

Les valeurs que nous défendons tirent leurs racines du christianisme, du judaïsme, et des Grecs pour ce qui concerne la raison. Les Occidentaux sont les seuls à défendre le principe d’égalité de tous les humains, ce qui n’existe pas, par exemple, en Inde ou en Chine, ni chez Aristote dans l’Antiquité grecque. Il y a quelque temps, quelqu’un a osé soutenir que « Liberté, Égalité, Fraternité » n’avait aucune origine avant les Lumières du XVIIIe siècle ! À notre Président qui travailla avec Paul Ricoeur, j’aimerais rappeler que celui-ci disait que les valeurs coupées de leurs racines spirituelles ont le destin des fleurs coupées qu’on met dans un vase : elles ne tiennent pas longtemps.

Vous parlez de la transmission de la foi, notamment aux enfants. Mais que peut-on transmettre au juste, puisque la foi est affaire de rencontre avec Dieu ?

La foi ne tombe pas totalement du ciel : il faut une volonté de croire. Cette question de la transmission me hante. J’ai quatre enfants, en deux mariages, et cinq petites-filles. Quand je suis revenu au christianisme, je me suis dit : qu’est-ce que je vais être capable de transmettre à mes enfants ? Je suis passé par des phases de mélancolie à ce sujet. Mais des surprises sont toujours possibles. À la dernière messe de Noël, ce sont mes deux filles, qui ont 34 et 32 ans, qui m’ont demandé la permission de venir avec moi. Or, ce fut la messe de Noël la plus fervente et joyeuse à laquelle j’ai assisté depuis que j’habite près de La Rochefoucauld !

*Jean-Claude Guillebaud, La foi qui reste, L’Iconoclaste, 2017, 242 p., 15 €  

 

 

Propos recueillis par Philippe Malidor

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