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Édito

Je suis un républicain laïque et protestant

26 février 2024

L’annonce de la mort de Robert Badinter avait beau être prévisible, la puissance émotionnelle qu’elle a provoquée en France m’a surprise. Elle a révélé l’impact sur la société de la hauteur de vue de cet homme qui, engagé dans le combat politique de son temps et parfois haï sur ce terrain, était par-dessus tout un sage spirituel. De lui, je garde en mémoire une expression qui m’a toujours marquée : « je suis un républicain laïque et juif ». L’ordre des mots est fondamental.

Se dire protestant, laïque et républicain, c’est reconnaître que Dieu est au cœur de la vie et commande toute action et toute pensée. Ce n’est bien sûr pas faux lorsqu’on est croyant. Mais cela implique de considérer la laïcité qui fonde la légitimité des autres religions comme une concession nécessaire pour une société paisible, l’appartenance à la république en étant une autre. Cela donne l’impression que le chrétien s’engage dans l’accueil de l’autre et dans la société presque avec réticence. « Debout, sainte cohorte, soldats du roi des rois, tenez d’une main forte l’étendard de la croix », chantait-on jadis dans nos Eglises du Réveil.

Laïque, protestant et républicain, l’expression correspondrait plus aux affres de l’Eglise multitudiniste des années 1970, soucieuse d’ouverture à l’autre et de débat, d’œcuménisme et d’engagement social. Reconnaître avant tout l’autre dans sa différence, avant même que de dire sa propre orientation ecclésiale et de s’engager dans la cité des hommes, indique un mode de pensée. Cela évoque un protestantisme participant au chœur des religions et définissant la nation comme son lieu d’action et de témoignage. Mais à brandir le devoir de dialogue et le droit à la différence comme un étendard, le risque fut de se noyer dans la foule des possibles, ou bien de nourrir les identitarismes qui voudraient être plus différents et légitimes que les autres. Notre siècle en meurt.

Républicain, laïque et protestant, cet ordre des mots peut choquer, comme le fait qu’un chrétien se définisse avant tout dans son appartenance citoyenne. Mais il suit une logique encore différente. Il s’agit de prendre acte de la notion de peuple et de la responsabilité qui incombe à chacun. Dans ce peuple réuni par la république, la laïcité est garante de paix et de fraternité car toutes les religions sont reconnues et aucune n’est privilégiée. C’est la seule situation où la violence et la volonté de détenir l’unique vérité peuvent être déjouées. Dans cette république et cette laïcité, je peux ensuite m’inscrire en protestant et redonner à Dieu le présent qu’il m’a offert. Je peux à chaque seconde laisser infuser, dans cette vie qui m’est confiée, une Parole qui me dépasse.

Un homme sage m’a rappelé cette évidence en s’en allant. Qu’il en soit béni.

 

Sommaire de n°484 - mars 2024

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Marc de Bonnechose
Paroles protestantes Paris

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