Edito

Des lettres pour chaque être

10 octobre 2017

Du 20 au 24 septembre, aura lieu le vingtième festival de la correspondance à Manosque, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. À l’heure de l’informatique, la correspondance n’est plus guère de mise. Certes, les courriels demeurent et sont même pléthores !

Du 20 au 24 septembre, aura lieu le vingtième festival de la correspondance à Manosque, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. À l’heure de l’informatique, la correspondance n’est plus guère de mise. Certes, les courriels demeurent et sont même pléthores ! Mais cette correspondance sonne souvent creux. Les courriels ne prennent plus le temps de la formule ni même de la politesse. Ils se contentent de quelques mots, d’une requête, avec de multiples fautes de grammaire, de syntaxe et d’orthographe. Ils sont parfois même dépersonnalisés, via la possibilité de l’envoi multiple. Bref, l’art de la correspondance se perd. Car, oui, la correspondance fut un art, avec ses règles et ses figures de proue : Cicéron, Georges Sand, Madame de Sévigné, Voltaire. Dans le protestantisme, tant Luther que Calvin se sont illustrés par leur talent d’épistolier comme avant eux l’apôtre Paul. Et pour cause : la lettre a quelque chose de profondément évangélique. Elle est adressée, au sens noble du terme. Elle vise quelqu’un. L’auteur pense à une personne précise, en prise à des difficultés, des souffrances, des peurs particulières ; elles requièrent une réponse personnelle et adaptée. La lettre est de l’ordre de l’incarnation.

Libération

La correspondance ne comporte pas seulement une adresse : elle redresse aussi !

Quand Paul écrit aux Corinthiens, aux Thessaloniciens, aux Philippiens, aux Romains, il leur adresse un message capable de les redresser, non pas au sens disciplinaire, mais au sens biologique : de remettre droit ceux qui sont courbés par le poids de la détresse et de la peine, de les remettre en route, remplis d’espérance et de joie. De même, quand Luther écrit à sa douce Katharina qui s’inquiète de son long voyage à Mansfeld (qui sera le dernier), il lui dit (de mémoire) : « ne t’inquiète pas pour moi. Le Christ se souci de moi ». La lettre ressort souvent de la libération. À une époque où la solitude est exacerbée, les angoisses démultipliées, il est peut-être temps de renouer avec les chemins épistolaires. Pourquoi ne pas se retrouver en communauté pour écrire aux distancés, à ceux qui sont éloignés, malades, en prison, qui ne peuvent pas ou plus venir assister au culte ? Ne serait-ce pas là un chemin d’évangile en dehors des sentiers balisés par le monde ?

Christophe Jacon.

Christophe Jacon,
Rédacteur en chef d'Ensemble.

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