Dossier Les temples vu de l'intérieur

Au chœur du sens

08 novembre 2017

Au 16e siècle, c’est une lapalissade, mais les protestants n’ont pas leurs propres édifices. Il faut attendre quelques années avant qu’ils se mettent à les bâtir. La chapelle du château de Hartenfels, dans la ville de Torgau, est probablement le premier édifice protestant.

@Lucile

Il est élevé dans les années 1540 et inauguré par Luther en 1544. Dans le laps de temps, les protestants investissent les édifices qu’ils ont à leur disposition, en tentant de les rénover selon la théologie nouvelle. Un des premiers changements fut de modifier l’espace ecclésial : plus question d’avoir un espace pour les « laïcs », la nef, et un espace pour les prêtres ou moines, le chœur. Au nom du sacerdoce universel du croyant, cette barrière n’a plus de sens ! Le chœur est donc, la plupart du temps, délaissé (l’Église Saint-Pierre de Genève fait sur ce point exception). Il est affecté à d’autres usages, parfois surprenant. Ainsi, à Berne, il sert à entreposer du grain. Pourquoi pas, après tout. L’Église se pose ainsi symboliquement comme nourriture pour le monde. À Lausanne, le chœur accueille la formation des futurs pasteurs. Là aussi, c’est symboliquement fort ! L’Église, lieu où est prêchée la Parole, s’appuie sur cette seule parole pour former les futurs théologiens qui la serviront. Enfin, « à Zurich, Zwingli organis[e dans le chœur] la Prophezei, une réunion quotidienne de théologiens et de simples fidèles qui [mettent] au point la première traduction réformée de la Bible (cf. B. Reymond, « La table de communion des réformés… », ETR, 82/2007, p. 495). Là encore, cette affectation est symbolique : le chœur accueille l’ensemble des prêtres, capables de comprendre et d’interpréter la Parole. On le voit : tout changement est pensé. Et même si, au cours du temps, les protestants ont modifié l’espace du culte, ils donnèrent toujours du sens à ces modifications de l’espace intérieur. C’est sur ce sens que porte le dossier de ce mois. En vous souhaitant bonne lecture.

Christophe Jacon,
Rédacteur en chef d'Ensemble.

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