Un mot, une vie

Alice Marc-Manoël : Inspiration

21 février 2017

La colline de Sainte-Juliane est un haut lieu du catharisme dans le Tarn. Alice Marc-Manoël (1901-1990), qui venait y faire paître ses chèvres, a entrepris des fouilles archéologiques d'une importance capitale. C'est là qu'elle trouvait l'inspiration : celle de la foi et celle qui la reliait à l'histoire des lieux. Le conseil municipal de Roquecourbe vient de donner son nom aux écoles publiques de la commune le 20 mai 2016.

Préserver la vie
La jeune Alice, orpheline à 14 ans, a vécu la mort de son frère et de son oncle lors de la première guerre mondiale. Est-ce de là que vient sa vocation d'infirmière ? Diplômée de l’École Florence Nightingale (Maison de Santé protestante de Bordeaux-Bagatelle), elle y est remarquée et la directrice la charge de donner des cours. Elle part ensuite à Colmar et participe à la création d'une école d'infirmière de la Croix-Rouge qu'elle dirige pendant dix ans. En 1940, elle est expulsée par les allemands et défend avec détermination ses élèves. Elles lui doivent la vie par cet acte de résistance. À la fin de la guerre, elle revient ouvrir l'établissement qui fonctionne toujours aujourd'hui.


Découvrir des sarcophages
Après la guerre, elle vient gérer la propriété familiale de Saint-Martin à Roquecourbe avec son mari Samuel Marc (1). Un jour de 1950, en labourant la terre, les fils des fermiers heurtent le couvercle d'un sarcophage. C'est le début des fouilles archéologiques qui dévoilent des trésors : vestiges celtes, gradins, cuves, église en ruine, sarcophages. L'un d'eux, situé dans le cœur de l'église, pourrait être celui de Béatrice de Béziers, épouse de Raymond VI, comte de Toulouse. Alice se passionne pour ces découvertes d'autant plus qu'elle venait d'achever le manuscrit de son premier livre Juliane la mystérieuse. La directrice des fouilles, Élisabeth Poulain, diplômée de l’École du Louvre, s'émerveille alors que ces récits reflètent aussi clairement la réalité historique « comme si la vision de Mme Manoël-Marc avait pénétré à 50 centimètres sous terre ». Elle côtoie René Nelli de Carcassonne, Déodat Roché. Elle fréquente le château de Ferrières et devient membre de la Société du Souvenir et des Études Cathares. Ce parcours l'incite à épouser les convictions des cathares. Elle porte alors au poignet un bracelet formé de deux têtes de serpent, symbole du manichéisme et du combat entre le bien et le mal.


Écrire et raconter
Ses talents d'écrivain conduisent la directrice de l’École d'Infirmière de Bordeaux-Bagatelle à lui commander une pièce de théâtre intitulée « Florence Nightingale » qui sera jouée à Colmar et à Bordeaux en 1954 à l'occasion de la Journée Mondiale de la Santé. D'autres pièces de théâtre seront créées pour la radio en Midi-Pyrénées entre 1945 et 1975. Entre 1975 et 1980 elle obtient sept premiers prix aux concours littéraires « Le Midi Chante ». Ceux qui l'ont connue s'en rappellent comme d'une conteuse qui savait captiver son auditoire et qui jusqu'à la fin de sa vie conservait sa curiosité naturelle. Quel bel hommage de donner aux écoles publiques de Roquecourbe le nom de celle qui cherchait à transmettre l'histoire de ceux qui se battent pour leurs convictions.

 

En savoir plus

1) Parmi les descendants de cette famille figurent Isabelle Marc-Bousquet et la famille Cluzel.

Citation
« Mon nom ne vous dirait rien …, répondit l'étranger. Il n'est connu que dans mon pays. Je suis allemand, poète et musicien … Attiré par le grand renom de vos troubadours, je suis venu dans le Midi pour y perfectionner mon art. Hélas ! Au lieu des chants et des ris que je comptais y trouver, je n'ai entendu que gémissement et sanglots … Je ne m'en plains pas car la poésie et la musique trouvent aussi bien leur nourriture dans le sang et les larmes, et je rapporterai chez moi provision de sentiments sublimes et visions émouvantes, ainsi que de beaux vers et belles chansons inspirés par les événements grandioses qu'il m'a été donné de contempler ... ».
Alice Marc-Manoël, Juliane la mystérieuse, Albi, Imprimerie Coopérative du Sud-Ouest, 1953.

Stéphane Rémy,
Directeur de l'aumônerie protestante aux armées.

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